Motion de rejet préalable sur la loi de Programmation des Finances Publiques (LPFP)

Présentation en séance de la motion de rejet préalable pour la LPLF 2023-2027

Retrouvez l’intégralité de mon intervention via : https://videos.assemblee-nationale.fr/direct.12252705…

« Madame la présidente, Mesdames et messieurs les ministres, Monsieur le Rapporteur Général, Monsieur Le président de la Commission des Finances, Cher-es collègues,

Nous devons aujourd’hui nous prononcer sur la loi de Programmation des Finances Publiques pour la période 2023-2027.

Que les choses soient bien claires, il est sain et normal de programmer, de planifier dans une démocratie lorsque l’avenir est en jeu, et c’est bien le cas dans la période que nous vivons.

A la France Insoumise, nous ne sommes pas contre le fait de programmer… Lors des dernières échéances électorales (et comme depuis 10 ans désormais), notre camp a lui-même porté dans son programme la nécessité absolue de planifier, notamment par la planification écologique.

Mais quel doit être notre critère, notre boussole, à nous députés, représentant du peuple quand il s’agit de voter un texte qui engage le pays pour les années à venir ? Sur quels critères s’appuyer lorsque cet avenir est, par nature incertain, et d’autant plus en période de crise comme celle que nous vivons, crise géopolitique, sociale et climatique.

La réponse devrait être claire en République et en démocratie. Il faut partir des besoins du peuple !

Il faut planifier et programmer à partir des besoins de celles et ceux que nous sommes censés représenter dans cette assemblée.

Et c’est là que le texte qui nous est proposé aujourd’hui par le gouvernement est problématique. La seule boussole qui guide la macronie, c’est l’équilibre budgétaire et la réduction de la dette.

Ainsi, ce projet de loi ne se fixe qu’un objectif : planifier et organiser l’austérité pour les cinq années à venir afin de parvenir au sacro-saint déficit de 3% du PIB à l’horizon 2027.

Après la crise financière puis économique qu’a traversé l’Europe entre 2008 et 2015 et sa gestion catastrophique, avec la pandémie de Covid-19 et ses conséquences terribles sur l’hôpital, l’économie et la vie des gens, avec les effets déjà là du dérèglement climatique et maintenant avec la guerre à nos frontières et sa menace nucléaire, l’absurdité de l’austérité devrait faire l’unanimité sur nos bancs !

Et pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence, les idées surannées des néolibéraux ont la vie dure, l’austérité, cette « idée zombie » comme osent l’appeler désormais de nombreux économistes continue à guider l’action de ce gouvernement et de sa minorité parlementaire. Oui l’austérité est une idée zombie ! Une idée qui refuse de mourir, qui continue d’être prônée et de pourrir le débat public alors même qu’elle est contestée de toutes parts !

N’avez-vous donc que cela comme projet de société à proposer ? L’austérité comme seul avenir pour notre jeunesse ? Le remboursement de la dette comme seule perspective pour un siècle ? Notre jeunesse qui doit déjà gérer l’angoisse d’un avenir directement menacé par votre inaction climatique mérite mieux !

Non seulement l’austérité ne peut être un projet pour le peuple français mais en plus elle est inefficace !

Ce qu’il ressort des crises récentes que je viens d’évoquer et de leurs conséquences, c’est au contraire que le pacte de stabilité et de croissance et toutes les dispositions qui encadrent les finances publiques des États ne sont pas soutenables et surtout, ne répondent pas à une nécessaire dynamique orientée vers la bifurcation écologique et la réduction des inégalités.

Et il n’est pas utile que je m’étende sur les nombreux exemples qui ont montré ces dernières années que l’austérité n’est jamais la solution. Ce choix politique a provoqué le malheur et n’as pas permis de réduire la dette : en Grèce, en Espagne, en Italie et partout où le capitalisme financiarisé a causé tant de ravages.

Alors pourquoi diable vous obstinez-vous quand l’histoire nous montre avec tant d’évidence que l’austérité est un remède inefficace, douloureux et cruel pour les peuples.

Certains dans les rangs du gouvernement et de la minorité présidentielle chercherons sans doute à remettre en cause mes propos en affirmant que la Loi de Programmation des Finances Publiques n’est pas austéritaire puisqu’elle prévoit une très légère augmentation des dépenses publiques sur la période concernée. Cela est faux !

D’abord, les hypothèses macroéconomiques sur lesquels s’appuient le gouvernement sont totalement fantaisistes !

Dans ses avis du 21 septembre dernier, le Haut Conseil aux Finances Publiques juge, je cite,

« que la prévision de croissance du Gouvernement de +1,0 %, [est] supérieure à celle de la majorité des prévisionnistes ».

La Banque de France considère, elle, que la croissance

« s’établirait entre 0,8 % et – 0,5 % ».

Bref, face aux crises que traverse notre pays, il n’y aura pas de croissance du PIB l’année prochaine et rien n’indique qu’il y en aura dans les années qui suivront ! Les hypothèses d’inflation sont elles aussi hautement discutables et auront des conséquences sur la trajectoire budgétaire du pays.

Dans ces conditions, comment le président de la République compte-t-il remplir sa promesse d’un retour aux 3% de déficit en 2027 ? Sans croissance il n’existe pas 50 solutions pour faire reculer le déficit public. Il faut soit augmenter les recettes de l’État, soit en diminuer les dépenses.

Par pure idéologie, le président de la République et son gouvernement ne veulent pas entendre parler de la première option : augmenter les recettes ! Et cela en usant d’une stratégie de dénigrement de l’impôt, engagée depuis des décennies. Un « impôt-bashing » en quelque sorte, qui repose sur les attaques successives qu’ont connu les impôts progressifs, redistributifs, piliers de la justice fiscale et de la réduction des inégalités ! Je parle là de la suppression de l’ISF, de la mise en place de la Flat Tax, d’un impôt sur les revenus insuffisamment progressif, de l’augmentation des impôts proportionnels et dégressifs comme la CSG et du refus de mettre les moyens dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Au contraire, là encore, on le voit avec le Projet de Loi de Finance 2023, la Macronie envisage de nouveaux cadeaux fiscaux pour les plus riches et les grandes entreprises avec la suppression de la CVAE.

Il ne vous reste donc que l’austérité et c’est le choix que vous faites, bien que vous nous souteniez le contraire.

Car votre programmation prévoit de contenir la hausse des dépenses publiques à 0,6% par an. Mais la hausse tendancielle des dépenses publiques, c’est-à-dire la hausse mécanique liée notamment à la démographie (comme la progression de l’ancienneté des agents publics ou encore l’évolution de la pyramide des âges dans la population générale), cette hausse tendancielle des dépenses publiques est estimée à 1,35% par an.

En d’autres termes, une croissance inférieure à ce niveau signifie bien une baisse ! Votre hausse « contenue » est donc bien une baisse des dépenses publiques.

On reconnait là votre stratégie de dissimulation déjà utilisée cet été lors du vote de la loi portant mesures d’urgence au pouvoir d’achat des françaises et des français, qui a en réalité consisté à acter une baisse du pouvoir d’achat, notamment des plus fragiles et des classes moyennes.

Prenons un exemple concret, entre 2008 et 2021, le budget de l’enseignement supérieur a augmenté de 10%. Dans le même temps, le nombre d’étudiantes et d’étudiants a augmenté de 25%. Dans ces conditions, le financement public par étudiant a fortement chuté sur la période et la qualité du service public s’est dégradée comme le montre la situation aujourd’hui catastrophique de nos universités.

Le gouvernement assume donc une fois de plus d’entériner une dégradation des services publics dont les françaises et les français seront les premières victimes. C’est bel et bien de l’austérité !

A ce stade de mon propos vient le moment de rappeler une chose ! Une évidence à laquelle les cerveaux des libéraux semblent totalement imperméables : la dépense publique participe à l’accroissement de la richesse du pays. Et oui mesdames et messieurs les ministres, mes cher·es collègues, les fonctionnaires sont productifs ! L’activité publique est une production ! Elle est donc économiquement utile mais bien sûr pas seulement, puisque surtout socialement indispensable !

En comprimant la dépense publique, le gouvernement va accentuer la déprime économique et nous fait risquer la récession. Dans une telle situation, vos efforts austéritaires seraient vains et il vous faudrait de nouveaux tours de vis budgétaires pour atteindre l’objectif des 3% de déficit. C’est ainsi que se mettrait en place un cercle vicieux trop bien connu où chaque mesure austéritaire entrainerait la suivante dans une fuite en avant pour atteindre un objectif de déficit qui sans cesse s’éloigne.

Nous ne sommes d’ailleurs pas naïfs. Nous savons que votre obstination à trouver un moyen de faire passer votre réforme des retraites, indigne et mortifère, le plus vite possible n’a qu’un but. Vous savez qu’avec votre logique macroéconomique vous aurez en permanence besoin de nouvelles sources d’économie pour satisfaire votre dogme insensé de l’équilibre budgétaire.

Mais prenez garde ! les françaises et les français ne se laisseront pas dépouiller d’un des plus formidables conquis sociaux de notre temps, celui de pouvoir profiter de la fin de sa vie de manière digne, libéré de l’exploitation qu’est le travail dans une société capitaliste. Les françaises et les français ne veulent pas de votre contre-réforme des retraites et nous, dans cette assemblée avec nos partenaires de la NUPES, nous ne vous laisserons pas faire !

Concrètement, les services publics, dont l’immense majorité sont déjà au bord de l’asphyxie vont souffrir encore d’avantage si cette loi de Programmation des Finances Publiques est adoptée.

Qui peut dire aujourd’hui que l’école, l’hôpital, que les pompiers n’ont pas besoin de moyens supplémentaires ? Qui peut dire qu’il y a trop d’inspecteurs du travail quand le travail capitaliste broie des corps et que la France détient le triste record d’Europe du nombre de morts au travail ? Qui peut dire qu’il y a trop d’inspecteurs des impôts et trop d’officiers de police judiciaire quand les scandales d’évasion fiscale s’enchainent, que les fraudeurs continuent d’échapper au fisc et à la justice et mènent grand train en toute impunité ? Et pourtant, l’article 10 de la loi que vous nous soumettez prévoit qu’il n’y aura pas un seul fonctionnaire de plus d’ici 2027.

Qui peut dire que les collectivités locales qui ont souvent été en première ligne pendant la pandémie, qui ont souffert de la canicule, de la sècheresse et des incendies l’été dernier, peuvent se satisfaire de leurs dotations actuelles ? Ces collectivités subissent depuis plusieurs mois une augmentation sans précédent de leurs charges de fonctionnement du fait de la crise inflationniste. Comment ces collectivités sont-elles censées faire tourner les écoles, les collèges, les lycées, les piscines municipales et s’adapter aux bouleversements irréversibles du dérèglement climatique alors que l’article 13 de votre loi plafonne l’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Qui peut dire, enfin, que ce gouvernement prend au sérieux le défi climatique qui se dresse devant nous quand la plupart des dépenses fiscales en faveur des énergies fossiles ne sont pas comptabilisées comme néfastes à l’environnement dans le budget soi-disant « vert ». D’ailleurs l’article 14 du projet qui nous est présenté ne prévoit de diminuer l’impact environnemental du budget de l’État qu’en réduisant de 10 % le ratio entre les dépenses défavorables et les dépenses favorables à l’environnement entre 2022 et 2027. 10% en 5 ans ! Alors que nous savons grâce au dernier rapport du GIEC qu’il faut agir dans les moins de trois ans pour garder notre planète vivable.

Une loi sérieuse de programmation doit planifier les investissements dont notre pays et l’humanité ont besoin. Une loi sérieuse de programmation doit partir des besoins du peuple.

  • Les épisodes de sécheresse et les incendies géants que nous avons subi cet été vont se multiplier avec le dérèglement climatique ! Alors il est nécessaire de réguler les usages de l’eau, de rénover notre réseau pour éviter le gaspillage et d’investir massivement dans les services de lutte et de protection contre les incendies.
  • L’énergie va se faire plus rare dans un monde incertain et des pénuries risquent de se produire si l’hiver est froid ! Alors il est urgent de rénover les millions de passoires thermiques que compte notre pays et de développer les énergies renouvelables pour que les plus fragiles ne soient pas les victimes des pénuries cet hiver. Oui il faut massivement investir pour freiner le dérèglement climatique mais également pour s’adapter à ces conséquences irréversibles.
  • L’inclusion scolaire est une belle idée, mais faute de moyens humains et matériels, la promesse égalitaire de l’école est une fable piétinée chaque jour par les déterminismes sociaux et la puissance de l’héritage ! Alors il faut embaucher, titulariser et payer dignement les AESH, embaucher et augmenter les profs pour que les effectifs par classe diminuent et que chaque élève puisse bénéficier d’une attention adaptée à ses besoins.
  • L’hôpital s’effondre sous les coups de l’austérité budgétaire, et les démissions se multiplient reflétant le découragement des soignants ! Alors il faut investir pour améliorer les conditions de travail, augmenter les salaires du secteur de la santé et embaucher du personnel pour que plus jamais un être humain habitant ce pays ne puisse mourir dans un couloir sur un brancard faute de soin.
  • Les violences faites aux femmes restent un fléau majeur de notre société rongée par le patriarcat ! Alors il y a urgence à débloquer le milliard réclamé de longue date par les associations spécialisées pour permettre la prise en charge des victimes, la prévention des violences, la formation des forces de l’ordre et l’éducation de nos enfants pour qu’enfin ces violences indignes de notre temps ne soient plus qu’un mauvais souvenir.

Voilà quelques exemples de ce que serait une loi de programmation qui planifierait la politique de la nation en partant des besoins de son peuple.

Alors effectivement, ces besoins collectifs coûtent de l’argent ! Alors demandons-nous qui doit contribuer à leur financement et dans quelle mesure ? Une loi de programmation sérieuse dans un pays censé prôner l’égalité et la fraternité devrait poser un principe simple : chacune et chacun contribue à hauteur de ses moyens à la réalisation des objectifs communs, dans l’intérêt général !

Pour cela, un changement de cap est nécessaire : Notre système d’impôt doit redevenir progressif et redistributif et rendre impossible l’accumulation indécente et exponentielle des richesses entre quelques mains aux dépends de millions de pauvres.

Oui une autre loi de programmation est possible ! Elle est même nécessaire ! Mais ce gouvernement se contente de programmer l’austérité pour les années à venir sans aucune anticipation face aux défis immenses qui nous attendent.

Cette Loi de Programmation des Finances Publiques, nous l’avons rejetée en Commission des finances, après l’avoir largement amendée, adressant un avertissement sévère au gouvernement.

Car oui cette loi ne programme que l’austérité ! Et c’est pourquoi, au nom du groupe la France Insoumise – NUPES (auquel j’associe nos camarades de la NUPES), je vous présente une motion de rejet préalable que je vous invite à voter avec nous.

Je vous remercie »

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