C’est la rentrée !
C’est la rentrée « en circo », avant de remettre les pieds dans l’hémicycle pour la rentrée parlementaire qui sera bien chargée pour mes collègues et moi-même, commissaires des Finances, puisque nous examinerons les textes budgétaires (Loi de Programmation des Finances Publiques et Projet de Loi de Finance). On le sait déjà, le gouvernement prépare bien les esprits dans les médias, nous aurons encore droit à l’égrenage d’un chapelet de 49.3. La démocratie bat toujours son plein en Macronie !
Mais revenons donc à cette rentrée sur le terrain !
La rentrée en circo’
Cette année, le jour de la reprise scolaire, je me suis rendue à Chailly-lès-Ennery, à la rencontre de l’équipe pédagogique de l’école du village et de son maire, Gilbert Turck. Une rentrée avec tous les voyants au vert : une directrice et des enseignantes heureuses, deux AESH motivées, un maire satisfait, malgré la surprise d’une fuite d’eau à gérer dans l’école alors qu’on discutait dans la cour. Cette fuite d’eau, c’était la petite tuile du jour, le couac que le maire aurait adoré avoir « seulement » à gérer l’année dernière à la même époque…
Car le choix de me rendre à Chailly-lès-Ennery n’a pas été fait au hasard. L’année scolaire précédente a été une galère sans nom, pour le maire, pour la directrice de l’école, pour les enseignantes. Une galère, et surtout un combat ! Un combat pour scolariser un jeune enfant en maternelle, dont le besoin d’accompagnement par une AESH avait été notifiée mais… sans AESH, et ce jusqu’en janvier 2022. Jusque là, l’équipe pédagogique et le maire ont remué ciel et terre (et leur députée) et ont surtout permis à l’enfant d’être scolarisé en aménageant eux-mêmes toutes les adaptations nécessaires, en se formant par eux-mêmes, avec la famille. Si la situation de cet enfant a finalement été solutionnée, c’est grâce à ce combat mené farouchement par toute l’équipe, en solidarité. Alors quel bonheur de les retrouver là en septembre, pour une rentrée « qui roule », normale, avec une simple fuite d’eau à gérer !
Nos échanges ce jour-là ont permis de revenir sur cette situation dramatique et extrêmement mal vécue, sur la pénurie d’AESH dont tout le monde reconnait qu’elle s’explique par une maltraitance et une non-reconnaissance de ces femmes essentielles. Les deux AESH présentes, qui encadrent le jeune enfant sur le temps scolaire et périscolaire ont aussi eu la chance d’être accompagnées par un psychologue scolaire très efficace. Ce qui réaffirme à quel point la formation et l’accompagnement, des AESH mais aussi des familles, est nécessaire.
Alors tout finit bien pour cette équipe, pour cet enfant, mais combien d’enfants à qui promesse est faite d’une « école inclusive » et qui sont cette rentrée en galère, partout sur le territoire ?
Une autre rentrée heureuse a fait l’objet de ma visite ce jour-là ! Je me suis rendue au Collège Philippe de Vigneulles à Metz-Queuleu, à la rencontre de l’ensemble de l’équipe menée par la Principale Madame Aubertin, les professeurs, les agents techniques et aussi les représentants des parents d’élèves. Là aussi, une rentrée sous le signe du soulagement. Car les élèves du collège ainsi que l’ensemble de l’équipe ont vécu un véritable enfer l’année précédente. « Personne ne peut imaginer ce qu’on a vécu » me confiait une enseignante. Fin novembre 2022, le collège se trouve en effet fermé du jour au lendemain, après le malaise de plusieurs enfants et d’un adulte et un lien fait avec des épisodes précédents « d’odeurs nauséabondes » dans l’établissement. Fermeture en catastrophe : l’ensemble des collégiens, après quelques semaines en « distanciel » se retrouvent en cours dans un autre collège du département. Deux collèges en un ! Et donc des galères d’acheminement en bus obligeant les enfants à se lever bien plus tôt, la fin de toutes les activités « en dehors des cours », des heures (hivernales) passées dans la cour à attendre de pouvoir avoir cours, faute de place, et l’angoisse de l’avenir. Tout cela a évidemment occasionné de vives tensions dans le collège d’accueil et entre les élèves : « on n’a jamais eu autant d’incidents, de problème de discipline avec nos élèves » m’ont confié les enseignants. En effet, tous les temps faisant office de « soupape » ou de fabrique du lien entre les enfants et avec les adultes avaient disparu.
J’ouvre une parenthèse : ce constat à l’échelle d’un collège est je crois très parlant sur ce qui se passe à l’échelle de notre société et notamment dans le monde du travail. Partout on supprime l’humain, le temps non rentable de l’échange, on fait la chasse à la pause-café. Je repense à cet infirmier à l’hôpital psychiatrique de Jury en Moselle qui me disait « on a supprimé l’infirmier de couloir, on l’appelait comme ça car il se baladait simplement dans les couloirs, au milieu des patients, pour papoter, et faisait retomber une grande partie des tensions entre des patients difficiles ». Cet infirmier de couloir n’était plus jugé rentable et les tensions ont explosé dans l’hôpital. Les tensions sociales montent dans notre pays et pour cause, on casse tout l’humain, ce qui fait lien.
Je referme cette parenthèse pour en revenir à l’équipe « heureuse » du collège Philippe de Vigneulles ! « On est tellement soulagés » « tellement heureux de retrouver des conditions de travail correctes » « c’est une joie d’être là ». Joie partagée par les familles et surtout par les enfants. Car le collège a donc bien réouvert ses portes en cette rentrée. Les analyses du GASTE (Groupe d’Alerte en Santé Travail Environnement) menées l’année précédente le permettent. On ne saura finalement pas ce qu’il s’est passé, ce qui n’est pas sans créer tout de même quelques pensées angoissées pour les usagers du collège. La vigilance est là, avec un protocole d’aération renforcée. Là encore, ce qui frappe, comme à Chailly-lès-Ennery, c’est le caractère soudé de l’équipe. Ils et elles se sont serré les coudes et se sont battus pour rendre la vie des élèves la moins difficile possible, se sont battus pour réintégrer leur collège. Ils et elles sont tous de retour avec le sourire, plus soudés que jamais.
Une journée en Seine-Maritime, avec Sébastien Jumel et François Ruffin
Au lendemain de cette rentrée, je me trouvais à Dieppe, en Seine-Maritime, sur la circonscription de mon collègue communiste Sébastien Jumel, en compagnie de François Ruffin, député de Picardie. L’idée de cette journée, initiée par François, était de voir une série d’initiatives « positives », des choix politiques à destination des gens, des choses qui marchent, du concret qui met du baume au cœur et qui donne envie ! Et la journée en effet était très riche et (ré)enthousiasmante ! A Dieppe, sous l’impulsion du maire Nicolas Langlois – que je remercie encore pour son accueil – la municipalité fait des choix à rebours des politiques gouvernementales, pour prendre soin de ses habitantes et habitants. Tout d’abord, un soutien fort à l’Assiette Dieppoise, en charge de la restauration collective municipale (restauration scolaire, centre de loisirs, résidence pour personnes âgées, services de la ville…). C’est une régie publique, ce qui lui permet de fournir en moyenne plus de 1700 repas par jour, de qualité, privilégiant le local et le bio, avec, aussi incroyable que cela puisse paraître en contexte d’inflation, des prix à la baisse cette rentrée pour les familles les plus précaires. Pas d’argent magique non… mais une volonté politique forte et assumée de prendre soin des gens, de ne pas faire passer le bien manger pour toutes et tous au second plan.
Les échanges étaient passionnants avec Patrice Leblond, directeur de l’Assiette Dieppoise, diététicien de formation et passionné par son métier. Il est entouré d’une petite quinzaine d’agents, toutes et tous titulaires. Nous avons discuté de leur travail, franchement pas facile, sur le pont dès 4h du matin. Patrice Leblond raconte qu’un agent responsable (entre autres) du comptage des repas est originaire de la filière administrative où il était comptable. Désormais il compte des repas dans une chambre froide à moins de 10°c et a la sensation « de faire quelque chose qui a du sens » ! Nos échanges ont aussi porté sur tous les freins : l’aberration des contraintes liées aux marchés publics et à l’obligation de mise en concurrence, aux réglementations européennes, aux hypocrisies qui font qu’une filière est considéré comme « courte » quand un produit fait le tour de la planète mais sans multiplier les étapes. Bref, du travail pour les parlementaires que nous sommes !
Toujours en compagnie du maire de Dieppe Nicolas Langlois, nous avons ensuite rencontré les animateurs et éducateurs sportifs de la ville. Toutes et tous titularisés, passionnés là encore ! Ils sont présents partout : depuis la crèche jusqu’aux résidences pour personnes âgées en passant par l’école et les centre de loisirs, touchant tous les publics, valide ou en situation de handicap. Une politique volontariste d’éducation au sport, par la gratuité et une diversité d’offres impressionnante, de quoi taper dans l’œil de François, amateur de sport. Amateur aussi d’anecdotes qui mettent en valeur ces métiers essentielles. C’est avec modestie, mais non sans émotion que certains animateurs nous ont alors raconté comment ils ont construit des relations de confiance avec des gamins de la ville, comment ils ont contribué à construire des vies.
Après une pause repas à la cantine de l’école Sonia Delaunay (il fallait quand même qu’on goûte les fameux repas de l’Assiette Dieppoise), nous avons poursuivi notre tour au Caule-Sainte-Beuve, village de 480 habitants situé à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Dieppe, toujours sur la circonscription de Sébastien Jumel. Là, nous avons rencontré la maire du village, Chantal Benoit, qui œuvre avec détermination pour sa commune. Face à ce qu’elle juge comme une humiliation, à savoir une dotation de l’Etat deux fois plus élevée pour un citadin que pour un habitant en zone rurale, elle le dit : « on se défend en faisant des choses qui ont du sens ». Premièrement, un passage en régie publique pour la gestion de l’eau avec un résultat : une baisse des pertes (grâce à la réparation du réseau par l’équipe municipale) et des prix. Ensuite, la création d’une maison multi-services, suite au rachat d’une maison entièrement retapée là encore par l’équipe municipale et des habitants. Y sont installées une coiffeuse, une esthéticienne (« pourquoi on ne serait pas beaux au Caule, y’a pas de raison » dixit la maire), une petite épicerie qui vend des produits locaux en direct et bientôt un bar pour faire vivre le village. Ce qui me frappe dans cet exemple, c’est la force d’entrainement de ces élues qui se décarcassent : car au Caule-Sainte-Beuve, c’est maintenant une habitante qui propose de vendre occasionnellement les vêtements qu’elle fabrique dans la maison multi-services, une gynécologue dont la résidence secondaire est sur le village qui propose d’ouvrir une journée de consultation par semaine, un boulanger mobile qui vient plusieurs jours par semaine y vendre son pain… ce n’est pas près de s’arrêter ! Le clou du spectacle étant la visite de la « maison forestière » rachetée par la municipalité, à l’orée d’une magnifique forêt dans laquelle les enfants du village font classe une fois par semaine.
L’objectif de cette journée, intense et très enrichissante, est donc atteint : prouver qu’une politique favorable aux habitants existe et peut exister partout. Que cet effet d’entrainement vu dans le village du Caule-Saint-Beuve, il existe partout et qu’on peut et on doit le déployer massivement. Que nous, députés de la NUPES, portons ce projet partout sur le territoire national.
Finalement, ces deux temps forts de « ma rentrée », dans ma circonscription puis en Seine-Maritime, je les vois comme deux facettes complémentaires d’un message d’espoir politique fort :
- D’une part une rentrée heureuse et « soulagée », après de très grandes difficultés vécues à l’école de Chailly-lès-Ennery et au collège Philippe de Vigneulles. Une rentrée heureuse rendue possible par un combat sans relâche et une solidarité sans faille, par l’humain, par le lien.
- Et des choix politiques forts, sur l’alimentation, sur l’accès à l’eau, au sport, sur la vie rurale heureuse, rendus possibles par une volonté forte, une solidarité, une reconnaissance des métiers essentiels, de l’humain et du lien.
Alors ne le nions pas, et ce n’est pas l’objet de cet article, la tendance est plutôt au défaitisme et pour cause, la situation est extrêmement grave pour la très grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens. La rentrée est synonyme de privations graves et de détresse, dans tous les secteurs : l’école, la santé, l’alimentation… l’inflation ronge les vies et l’approfondissement des inégalités désespère les gens. Nous avons un mur immense devant nous et nous avons quantité de luttes à mener et à tenir face à la politique socialement et humainement dévastatrice d’Emmanuel Macron. Mais dans ce mur il y a des brèches, plus ou moins visibles et ce sont ces brèches que j’ai racontées ici et qui participeront un jour à faire s’écrouler ce mur. Nous pourrons alors enfin construire quelque chose d’humainement vivable et de socialement digne… on sait faire !