Hier, jeudi 18 avril, Le policier Yves Milla a été relaxé des faits de violences intrafamilliales contre son ex-épouse et ses deux fils. Ce procès en appel avait commencé le 14 mars dernier. Je l’ai suivi en intégralité pour soutenir les victimes, alertée par la presse sur l’histoire de cette femme et de ces enfants.
Lors du procès, cette femme est apparue bien seule, avec son fils aîné, face à son ex-mari, toujours membre des forces de l’ordre et du syndicat UNSA-Police qui l’a soutenu et couvert tout au long de la procédure comme le documente une enquête de StreetPress.
Condamné en première instance à 18 mois de prison avec sursis et retrait définitif de l’autorité parentale en juillet 2023, M. Milla avait donc fait appel. Pourtant sa peine paraissait déjà bien faible pour 6 ans de violences sur son ex-femme et ses 2 enfants.
Ce que j’ai vu pendant ce procès, c’est une femme qui se bat seule, pour ses fils, malgré les souffrances endurées et malgré le dénigrement permanent des collègues de son ex-mari. J’ai également vu un enfant, qui, le premier, a eu le courage de briser le silence et de dénoncer, auprès de l’assistante sociale de son collège, les violences dont son petit frère et lui étaient victimes. Face à eux, un accusé qui nie les souffrances qu’il inflige et ne voit dans ces propres actes qu’une « éducation rude et stricte avec (ses) fils ».
Les victimes ont aussi dû affronter l’expression d’un corporatisme policier honteux, avec des témoins de la défense venant afficher leur soutien à ce père et mari violent par leur négation tellement appuyée qu’elle en virait à la caricature. De quoi être effrayée quand on sait que ces mêmes policiers sont en charge d’accueillir la parole des femmes et des enfants victimes de violences.
La cour d’appel a reconnu que les enfants ne mentent pas, expertise psychologique et témoignages des équipes éducatives à l’appui. Pourtant, le tribunal a fini par relaxer M. Milla car il n’y aurait pas assez d’éléments, selon les magistrats, pour « corroborer une version ou l’autre ». Pour la cour, il s’agit donc seulement d’un « grave et sérieux conflit de l’exercice de l’autorité parentale ». Voilà comment la justice a balayé en un rien de temps l’espoir des victimes et leur légitime besoin de reconnaissance.
On apprend par ailleurs dans un article de Libération (https://www.liberation.fr/societe/police-justice/relaxe-dun-policier-accuse-de-violences-sur-ses-enfants-rehabiliter-un-droit-de-correction-parentale-cest-un-bond-en-arriere-de-70-ans-20240419_HHRB2DEY5ZHC7JVNEOTRENWTWY/?redirected=1), qu’un « droit de correction est reconnu aux parents et autorise actuellement le juge pénal à renoncer à sanctionner les auteurs de violence dès lors que celles-ci n’ont pas causé un dommage à l’enfant, qu’elles restent proportionnées au manquement commis et qu’elles ne présentent pas de caractère humiliant». Aussi, les juges imputent les gestes dénoncés à «la personnalité décrite comme entière et forte» de Yves Milla. Des dires de l’avocat des enfants dans cet article « réhabiliter un droit de correction parentale, c’est un bond en arrière de 70 ans ». Une jurisprudence pour un grand retour des « violences éducatives ».
Cette décision me choque profondément. Hier, j’étais littéralement sonnée, aux côtés de cette femme effondrée par l’annonce de la relaxe. Le courage de ce gamin et de cette femme, anéanti en quelques minutes.
La justice française pouvait dire à ce garçon de 13 ans : « On te croit, on te rend justice », et elle ne l’a pas fait. Elle pouvait dire à cette femme : être femme, être femme de policier ne doit pas vous empêcher de parler. C’est ce qu’on attendait hier, un message de reconnaissance et de considération aux femmes et enfants victimes, un encouragement à parler, à porter plainte ! mais non, au lieu de cela quel signal ? Quel message ? Femmes, qui plus est femmes de policiers, et enfants… taisez-vous ! Et tout ce que cela dit aux autres victimes actuelles et futures, c’est bien ça : n’essayez même pas.
Ce verdict est un choc, une claque pour toutes celles et ceux qui luttent contre les violences patriarcales et intrafamiliales. Mais le combat doit continuer.
L’affaire n’est pas terminée. Un pourvoi en cassation est probable et une information judiciaire pour viol est actuellement ouverte contre M. Milla. Et, même relaxé, M. Milla peut-il rester policier après que la justice a reconnu que ses enfants ne mentaient pas ? Peut-il être membre des forces de l’ordre après avoir menacé son fils avec son arme de service ? Evidemment non.
J’avais interpellé le ministre de l’intérieur, M. Darmanin, le 2 avril dernier pour lui demander pourquoi la procédure disciplinaire contre M. Milla était aussi lente. La réalité c’est que M. Milla est couvert par le syndicat UNSA Police qui a tout fait pour retarder la procédure et empêcher la tenue d’un conseil de discipline qui aurait pu aboutir à la radiation du policier. L’article de StreetPress que je mentionnais plus haut documente parfaitement ce point.
Malgré le coup de massue que représente la relaxe d’hier, je demande à nouveau à M. Darmanin de mener une réelle procédure disciplinaire à l’encontre de M. Milla. Un tel homme ne peut rester policier, il en va de la crédibilité même de l’institution. Il est de plus intolérable que des syndicats puissent à leur guise couvrir un violeur et un violent et lui éviter toute sanction disciplinaire avec l’assentiment complice de la hiérarchie du ministère de l’intérieur !
C’est pourquoi il faut refonder la police et la réformer de la cave au grenier. Pour les citoyens, pour les victimes et pour les policiers eux-mêmes comme ce policier présent au procès aux côtés de la victime, bien seul, anonyme mais qui fait lui honneur à son métier.
Aujourd’hui je pense à la femme victime et à ses 2 fils. Ils ont le droit à la justice et à l’apaisement. C’est cela qu’on leur a volé hier. Et c’est pour cela qu’il nous faut continuer le combat.