Le 6 mai, je recevais ma collègue Marianne Maximi, députée du Puy-de-Dôme, à Metz pour une réunion publique sur l’Aide Sociale à l’Enfance. Une réunion qui s’est tenue au FJT de Metz et qui fût un succès.
Cette réussite, je la dois à l’intervention de Marianne, qui avant d’être députée était éducatrice spécialisée en maison parentale dans l’Aide Sociale à l’Enfance à Clermont-Ferrand. Je la dois à son engagement, à son expertise professionnelle et humaine sur le sujet. Je la dois aussi aux intervenantes et intervenants qui ont accepté de participer à cette réunion publique. Des travailleurs sociaux de Moselle qui ont apporté leur témoignage de terrain : Pierre, Anne-Marie, Corinne, Eric. Des professionnels engagés dans leur travail au quotidien auprès des enfants placés de Moselle, de la pouponnière aux jeunes adultes et auprès des Mineurs Non Accompagnés. Des témoignages souvent poignants, qui permettent de documenter l’état de la Protection de l’Enfance en Moselle. Ce sont ces intervenants qui ont permis une très grande qualité des échanges, avec un public souvent concerné.
Parce que, pour ma part, la Protection de l’Enfance, c’est un sujet que j’ai récemment découvert, avec mon mandat de députée.
Et pour cause, quand on n’est pas concerné directement, comment en être informé ? C’est un sujet dont on ne parle pas, qui passe sous les radars politico-médiatiques, à quelques exceptions près. C’est en effet lorsqu’un drame se produit que ces enfants franchissent la barrière médiatique, le temps d’une journée ou à peine plus, comme cette jeune adolescente Lily en février qui a mis fin à ses jours à 15 ans, alors qu’elle était « placée » en hôtel dans le Puy-de-Dôme.
La protection de l’enfance, je l’ai donc découverte une fois élue, notamment grâce au travail de Marianne Maximi et aussi grâce à l’engagement, sur ce sujet, de notre présidente de groupe Mathilde Panot. C’est lors d’une rencontre à l’Assemblée Nationale, que Mathilde avait organisée avec les « Oubliés de la République » et notamment le Comité de Vigilance des enfants placés que j’ai pris le sujet en pleine tête. De jeunes adultes, anciens enfants placés, sont venus témoigner, raconter leur parcours. Ce fût un moment très fort en émotion, très puissant. Un moment où les témoignages directs des gens qui subissent les politiques du gouvernement ou celles votées à l’Assemblée nous reviennent, au sein de l’institution. Ces moments, on les voudrait évidement plus nombreux mais aussi plus entendus de l’ensemble des députés qi malheureusement sont rares, en dehors de nos bancs, à faire le déplacement.
On n’en sort pas indemne de ces rencontres (et ce fût mon cas), avec ces enfants qui ont connu abandon sur abandon, galère sur galère. Tous évoquent un parent particulièrement défaillant, parmi les autres dans leur parcours : l’Etat !
Parce que si la façon dont elle traite les enfants dit tout d’une société, alors il y a de quoi être particulièrement effrayé en France.
Parce que si l’on doit protection aux enfants, à tous les enfants, on voit leurs conditions de vie, d’évolution, d’épanouissement, se détériorer aujourd’hui en France.
On peut dérouler cela dans tous les domaines et pas uniquement dans l’Aide Sociale à l’Enfance. Dans les crèches, et notamment les établissements privés qui font passer leurs profits avant les soins donnés aux tout-petits, on relate des maltraitances et des manquements graves pouvant conduire à des drames. Quant aux établissements publics, ils n’arrivent plus à recruter par manque de valorisation de ces métiers essentiels, encore et toujours féminins. Que dire encore du mépris envers les enfants quand on voit l’état d’effondrement de l’école publique ? Et l’accueil catastrophique des enfants en situation de handicap ? La pédo-psychiatrie totalement abandonnée. Alors avec la protection de l’Enfance évidemment là, on touche le fond…
C’est bien l’Etat qui manque à tous ses devoirs en n’assurant pas éducation, santé et vie digne à ses enfants à qui il doit émancipation, égalité des chances et pleine citoyenneté.
Le gouvernement, par la voix du Premier Ministre Gabriel Attal, leur promet plutôt répression, mise au pas, autorité, à coup d’uniforme, de SNU, ou encore de suppression des allocations aux familles en difficulté. A chaque fois que le Premier Ministre ou un ministre ouvre la bouche sur le sujet, c’est pour dérouler un programme ultra-autoritaire, copié-collé de celui de la droite et de l’extrême-droite. On pense évidemment au fameux « tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies » du discours de politique générale d’Attal. Mais quand c’est l’Etat qui casse, qui répare ? Qui répare et avec quels moyens ?
Alors oui, à en lire la presse locale, suite à notre réunion, « la Moselle ne fait pas figure de mauvaise élève ». Mais la situation des enfants placés qu’ils soient nationaux ou étrangers non-accompagnés est dramatique partout sur le territoire. C’est un véritable effondrement qui s’enclenche partout, avec certes des disparités départementales, mais le phénomène est là. Il n’y avait qu’à écouter et entendre les témoignages lors de cette réunion à Metz pour s’en convaincre : « des sureffectifs qui sont des effectifs » tant ils sont légion ; des conditions d’encadrement et de travail déplorables ; un turn-over incessant témoignant d’une crise des vocations ; des éducateurs qui « tiennent les murs » quand l’édifice s’écroule ; un nombre de « dossiers » à gérer qui rend inhumain l’accompagnement, si on peut encore parler d’accompagnement dans ces conditions là ; des MNA non-évalués, non-scolarisés, rendus invisibles ; des réseaux (drogue et prostitution) qui « se professionnalisent à mesure qu’on -les éducateurs- se dé-professionnalise » ; des enfants en situation de handicap mal pris en charge ou des enfants en grande détresse psychologique ou psychiatrique ; des besoins individuels (bébés, ados) jamais considérés…
Et les conséquences sont là, d’une violence rare :
- 40 % des personnes sans abri de moins de 25 ans nées en France sont des anciens enfants placés ;
- seul 13 % des enfants placés obtiennent leur brevet contre 80 % en moyenne pour l’ensemble de la population ;
- plus de 50 % des enfants qui se prostituent sont des enfants placés à l’ASE.
Défendre l’avenir des enfants placés est un combat que nous portons, à la France Insoumise depuis longtemps et particulièrement des derniers mois, grâce notamment à l’engagement de Marianne Maximi et de notre Présidente de groupe, Mathilde Panot.
Elles ont notamment déposé un plan d’urgence pour l’enfance au mois de septembre, organisé la rencontre avec le comité de vigilance des enfants placés ainsi qu’un débat à l’Assemblée Nationale en avril permettant d’interpeller la Ministre chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles Sarah El Haïry pour la forcer à s’emparer du sujet. Notre groupe a également déposé une proposition de résolution pour demander une commission d’enquête sur l’ASE. Cette commission d’enquête voit enfin le jour, avec le droit de tirage des socialistes, et débute ses travaux ces jours-ci. Notre groupe y participe activement avec 4 de nos députés : Marianne Maximi évidemment, mais aussi David Guiraud, Alma Dufour et Léo Walter. Ce sera l’occasion de porter la voix des enfants de l’ASE, de porter leur combat, de les rendre visibles, audibles !
Ce sera aussi l’occasion de porter nos propositions sur ce sujet : recentralisation de l’ASE, augmentation des salaires de l’ensemble des métiers du secteur, la prime Ségur pour toutes et tous (y compris les métiers administratifs et techniques), instaurer de véritables taux d’encadrement minimums, allouer des moyens financiers conséquents et suffisants, demandés en urgence par les travailleurs sociaux pour des conditions d’accueil et de prise en charge dignes, la fin de Parcoursup pour les métiers du social, des moyens pour la pédopsychiatrie et de nombreuses autres mesures.
Cette réunion publique a donc contribué à notre travail de terrain pour porter le combat à l’Assemblée Nationale. Je remercie encore très sincèrement Pierre, Anne-Marie, Corinne et Eric pour les riches échanges que nous avons eu en préparation de cette réunion publique et pour leurs témoignages. Leur engagement est à honorer, qu’il soit professionnel ou militant, notamment dans le cadre de la récente création du collectif Protect57 et je remercie encore une fois Marianne Maximi d’être venue à leur rencontre, pour nourrir son travail, notre travail, de ces témoignages mosellans.
C’est une fierté de porter le combat de ces enfants ! Car c’est un combat pour l’ensemble des enfants et pour notre humanité !