Les 30 juin et 1er juillet derniers, j’organisais dans ma circonscription, à Antilly, deux journées thématiques sur l’Agriculture en Moselle, intitulée « Quel avenir pour l’agriculture et les agriculteurs ? ». Au programme :
Des visites d’exploitations :
- La ferme du Moulin neuf à Guinglange. Elevage de vaches laitières et céréales en bio par Jérôme Albert, président du Groupement des Agriculteurs Bio (GAB) de Moselle.
- L’exploitation en maraîchage bio d’Eloïse et Georges Gross, fille et père, sur la ferme de Domangeville à Pange
- L’exploitation de Méghann et Tamara Christen « Aux sœurs des Champs » à Inglange, du maraîchage bio avec un cahier des charges écologique plus strict encore.
- Puis l’exploitation de Régis Paul à Distroff, la ferme du Jeune chêne : un élevage de vaches charolaises en bio, nourries avec la production céréalière de la ferme qui sert aussi à la fabrication du pain avec une boulangerie sur la ferme.
Une réunion publique réunissant Mathilde Hignet -députée d’Ile-et-Vilaine et ouvrière agricole, Jérôme Albert – agriculteur éleveur et président du GAB de Moselle, Méghann Christen – maraichère en bio, Albéric Lorain – agriculteur éleveur et responsable lait aux Jeunes Agriculteurs de Moselle, Michel Gabriac – agriculteur éleveur et porte-parole de la Confédération Paysanne Moselle, Bernard Babin – président de Solidarité Paysans.
Et pour finir, un atelier des lois sur le thème « assurer une vie digne aux agricultrices et agriculteurs », soit un exercice d’intelligence collective pour écrire la loi ensemble.
Je tiens ici à remercier encore une fois l’ensemble des participantes et participants aux différentes étapes de ces journées qui m’ont considérablement appris. J’envisageais en effet ces journées comme constituant une sorte « d’auditions de terrain » venant enrichir les auditions plus classiques que nous organisons à l’Assemblée Nationale en vue de la préparation d’une proposition de loi ou de l’examen d’un projet de loi du gouvernement. Ma collègue Mathilde Hignet est à ce titre à l’origine d’une série d’auditions passionnantes, d’une très grande diversité d’acteurs, pour l’examen à venir du Pacte et Loi d’orientation et d’avenir Agricole (PLOAA). De mon côté, et notamment en vue de l’examen de la LOAA, j’avais besoin de mettre du concret derrière tout ça, de comprendre les ressorts du métier, les difficultés à partir d’expériences concrètes. A ce titre, les visites d’exploitations et les échanges lors de la réunion publique m’ont été très précieux. Passion du métier, engagement chevillé au corps, depuis souvent plusieurs générations mais aussi difficultés liées à l’installation, au temps de travail, à l’impossibilité parfois de couper, de souffler, conditions physiques difficiles, et angoisses face au risque climatique sont des sujets qui reviennent souvent. J’ai aussi été frappée par le sentiment assez largement partagé d’une forme de clivage, mal vécu, entre consommateur et producteur. Celui-ci provoquant un fort ressentiment dans le monde agricole qui mesure le caractère essentiel de sa mission, nourrir les gens, mais qui se sent délaissé, éloigné… des gens justement !
Et si l’on sait que plusieurs modèles agricoles s’affrontent, celui d’une agriculture paysanne familiale, prônant la multiplication des petites exploitations en agriculture biologique et celui relevant plus de l’agri-business, faisant la part belle à l’agriculture intensive fortement dépendante des marchés, sur le terrain, la réalité semble plus complexe. Les constats sont en réalité souvent partagés quant aux difficultés : crise du renouvellement des générations, attractivité du métier, mal-être, surendettement et revenu insuffisant, dépendance à la PAC, menaces des traités commerciaux internationaux… Ce qui m’a frappé également, c’est à quel point les agriculteurs sont en demande d’un cap, quelque-soit le modèle choisi sur leur exploitation, soit d’une planification sur le long terme ! C’est là que les pouvoirs publics doivent être au rendez-vous. Il faut planifier l’agriculture pour enfin amorcer la bifurcation écologique, pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, pour la préservation de la biodiversité, pour la gestion de la ressource en eau et pour notre souveraineté alimentaire.
Nous en sommes loin… l’ultra dépendance à la Politique Agricole Commune qui fait la part belle aux énormes exploitations, la multiplication des traités commerciaux internationaux (actuellement le Mercosur ou le traité entre l’Europe et la Nouvelle-Zélande) et la promesse d’une gestion catastrophique de la ressource en eau, par l’accaparement, nous démontrent à quel point le gouvernement nous envoie dans le mur sur cette question essentielle qu’est l’alimentation.
Pourtant les solutions sont à notre portée car l’agriculture paysanne, familiale, biologique existe et nous prouve sa résilience. C’est ce cap que nous devons suivre. Mais il ne doit en aucun cas reposer sur le sacrifice des agriculteurs qui ne seraient pas assurés de pouvoir enclencher la bifurcation et d’en vivre dignement. C’est en tenant ce cap, dans la durée, qu’on permettre aussi de recréer le lien « producteur-consommateur » en local.
Lors de la préparation de ces journées, j’avais beaucoup en tête des questions d’écologie, de santé, de souveraineté alimentaire. A l’issue de ces échanges, je suis aussi maintenant baignée de problématiques profondément sociales. Nous aurons besoin d’au moins 300 000 agricultrices et agriculteurs de plus si nous voulons assurer notre souveraineté alimentaire dans un contexte soutenable pour la planète (voir nos propositions ci-dessous). Alors nous devons répondre d’urgence à la question de l’attractivité du métier et de sa « désirabilité » (pour reprendre les mots de la FNSEA, entendus en audition à l’Assemblée Nationale). La question du temps de travail est essentielle : comment allier vie de famille et métier agricole quand le modèle familial est de moins en moins la norme, comment prendre des congés, souffler, assurer la continuité de sa production en cas de maladie. La question du revenu est évidemment aussi centrale : comment vivre de sa production avec des revenus décents ? Comment faire face aux aléas et aux risques, dans un contexte climatique qui on le sait, va les multiplier. Toutes les solutions que nous pouvons apporter évidemment relèvent de la prise en charge collective, sociale, de ces questions. Nous portons ce projet, avec la NUPES, pour le modèle agricole, pour les producteurs donc, mais aussi pour les consommateurs, avec la sécurité sociale alimentaire.
Alors une fois de plus, merci pour ces échanges, souvent à cœur ouvert. Je poursuivrai les visites d’exploitation sur la circonscription et sur le département, pour continuer de nourrir mes réflexions et mon travail parlementaire (Projet de Loi de Finances, PLFSS, PLOAA), et y mettre de l’humain. Une façon de dire ici aussi que je suis disposée à poursuivre ce travail d’ « auditions de terrain » pour garder les pieds bien ancrés dans le sol !